L’Âge d’or des tuileries

Souvent ignoré est le passé industriel de notre ville. À l’heure des relocalisations, il gagne à être connu. Non Albi ne fut pas toujours « la belle endormie » que l’on se plaît à décrire. Fut une époque pas si lointaine où la ville bruissait d’une activité. Celle des « teularias », autrement dit des tuileries. Contrairement à l’étymologie, les « teuliers » ne fabriquaient pas que des tuiles mais aussi des briques, des carreaux et des tuyaux en terre cuite.
Au Moyen Âge, ils s’installent dans le quartier du « Bout du pont » sur la rive droite. La matière première, la lize, ils vont la chercher à Prat-Graussals, au plateau du Pioulet au bord du Caussels. À partir du XVIIe, c’est plutôt à Cantepau et à Fonvialane. D’ailleurs, à quelques endroits, des fosses creusées étaient encore visibles après la guerre. Autant d’indices de « filons » d’argile fine.

La cathédrale, des briques par millions

Ne l’oublions jamais, si la cathédrale d’Albi témoigne d’une apothéose de l’art gothique méridional, elle éclaire aussi le travail des humbles. Au ramassage du bois, à la collecte d’argile, à la fabrique comme au four, ils sont à la peine pour élever ce qu’il y a de plus beau. De père en fils, ils participent à l’élévation d’un lego de quelques dix millions de pièces.
Plus tard, les hôtels de Saunal, de Reynès et beaucoup d’autres maisons sont l’oeuvre d’architectes mais aussi des tuiliers. La brique permet des audaces architecturales inédites et nombreuses dont je vous épargnerai les détails.

La brique oui, mais la brique d’Albi

Au XVIe siècle, cette industrie florissante est de bon rapport. Car la brique est plutôt chère. Plus que les pauvres tuiliers, ce sont les propriétaires des tuileries que sont les prélats, les aristocrates et les grands marchands albigeois qui tirent profit de ce business juteux. Et puis, la brique est devenue une véritable institution. Les tuiliers constituent des dynasties que les archives permettent de suivre. Entre-temps, les réglementations s’affinent. Il existe par exemple des moules « officiels » afin d’éviter les tricheries quant au calibre et au poids de la brique vendue.
Après la Révolution, l’accent est mis sur les côtés gênants des installations. L’activité est bruyante, dangereuse car génératrice d’incendies, sans oublier la fumée que dégagent les fours à bois. Au point d’interdire leur fonctionnement lors de la période de la floraison et celle des vendanges. C’est dire.

Déclin et renouveau

Il faut vraiment attendre la fin du XIXe siècle pour voir l’imposition des premières hautes cheminées (jusqu’à 15 m de hauteur) afin d’éviter la présence des fumées nocives au beau milieu des habitats. Mais déjà, les historiens assistent au début d’un déclin dont profitent d’autres industries comme la chaux. Surtout, désormais, c’est la pierre, puis le béton qui ont l’honneur des architectes.
En 2020, on aurait tort d’imaginer la terre cuite rangée aux oubliettes du passé. Si Albi ne produit plus, ni briques, ni tuiles, le secteur a le vent en poupe et l’Occitanie tire bien son épingle du jeu avec une soixantaines d’entreprises dynamiques.
Au sein de la ville, de ce passé industrieux, il ne reste plus rien. Rien, à part les briques.
                      
                                                                                 Christophe

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