Trésor d’archive
Profitons de ces temps silencieux pour écouter battre les cloches de la cathédrale. Tiburce, Notre Dame du Mont Carmel, Emilie-Carissime sont quelques cloches dont les Albigeois ont longtemps tiré fierté. Mais que le son des cloches ne fasse pas oublier le lourd travail du sonneur. Il laisse des traces émouvantes aux archives*.
En effet, pas facile d’être sonneur de cloche sous l’Ancien Régime. Un contrat fixe précisément toutes ses obligations. Elles ne sont pas minces. D’abord, les chanoines se méfient du sonneur, toujours présent dans le sanctuaire à proximité des trésors de la sacristie. Il est difficile de lui faire confiance. D’ailleurs, si Jean Hébrard devient « sonneur » en 1672, c’est que son prédécesseur n’avait pas résisté à la tentation. Il séjourna en prison.
Visiblement, plus digne de confiance, Jean Hébrard sera renouvelé à son poste plusieurs années durant. Un poste aux missions multiples.
Le contrat scrupuleux qui lie Hébrard aux chanoines énumère toutes les sonneries ordinaires ou extraordinaires qui prévalent en cette fin XVIIe siècle. Elle sont très nombreuses et varient selon la saison, les affres de la météo, le calendrier liturgique, la nature précise des offices. En été, elles commencent à 4 h du matin. On apprend à cette occasion qu’il doit sonner le « chasseribault » qui annonce chaque soir une forme de couvre-feu.
Voilà un homme bien occupé
Sans répit, Hébrard sonnera l’Ave Maria de Midi, les horaires civils, les offices, les enterrements du personnel de la cathédrale. Force est de reconnaître, il lui reste peu de temps libre. Si bien que notre homme se sent bien seul dans ses responsabilités**. Visiblement, elles l’obligent sans cesse à descendre du clocher dans lequel, on imagine, il devait coucher.
On ajoute aux sonneries l’entretien des tambours et de la charpente avec un marteau et une « maillette » mais aussi le nettoyage du choeur. Et tout ça pour 60 livres car si le temps est compté, l’argent aussi. 60 livres, auxquelles on ajoute 16 setiers de blé et 4 pipes de vin. Il lui est possible d’obtenir de l’aide mais toujours à ses dépens et jamais sans avoir préalablement présenté la personne de « bonnes moeurs » aux chanoines auparavant. J’allais oublier : prière de ne pas s’endormir. Un oubli, c’est dix sous de moins sur ses gages.
* Olivier Cabayé, Philippe Nélidoff, L’histoire du Chapitre de la Cathédrale d’Albi, Université de Toulouse 1 Capitole, Mercuès, 2017
**A la cathédrale d’Amiens, ils étaient cinq sonneurs pour faire tout ça mais sans doute Hébrard ne le savait-il pas.
Christophe Mendygral